La Bretagne compte plus de 100 micro-brasseries, soit cinq fois plus que dans les années 2000. Derrière ce boom, des brasseurs engagés espèrent insuffler vitalité et humanité dans les bourgs. Reportage en terre péninsulaire, pour la quatrième étape des Carnets de village.
Perdues au milieu de nulle part, retirées au bout d’un chemin dans un vieux corps de ferme, ou aménagées au coeur d’un petit bourg fantôme… Les micro-brasseries poussent comme des champignons dans la Bretagne rurale. « On vit isolé ici. Si on n’a pas ce genre d’action, nos campagnes vont crever inlassablement », prévient Quentin Chillou, un brasseur de 29 ans installé avec sa compagne dans une bâtisse agricole abandonnée par les grands-parents.
Le Morbihanais roule sa bosse depuis deux ans, à la tête de la brasserie Kerpiton, à Loyat. Un village de 1600 âmes rebaptisé le « Pays des sorcières », selon la légende. Il fabrique annuellement près de 150 hectolitres de bière, non filtrée, non pasteurisée, sous sa charpente rénovée. À l’entendre, son affaire marche bien. Blanche, blonde, ambrée : « On est en rupture de stock tout le temps. » Ce jour-là, un convoi de 40 fûts s’apprête à partir en direction de Belle-Île-en-Mer, pour un festival. Comme lui, ils ou elles sont nombreux à avoir suivi les traces de l’entreprise bretonne Coreff, pionnière des micro-brasseries de France, créée en 1985. « Car c’est chouette de faire de la bière ! », lance Cécile Dutray, de la brasserie La Follette. « Et c’est assez simple, tout le monde peut en faire. » Cela fait bientôt trois ans que cette ancienne technicienne sanitaire en milieu agricole fait partie de la famille des brasseurs indépendants. Une famille où « l’entraide » et « l’esprit bon enfant » semblent bien de mise.
En Bretagne, on en dénombre 105 selon le syndicat national des brasseurs indépendants, 132 pour le site bièresbretonnes.fr, mis à jour régulièrement par des aficionados : « C’est très difficile de comptabiliser tout ça et d’être sûr d’avoir le bon nombre », explique l’un d’eux. « C’est une estimation… et nous n’avons pas la prétention d’être exhaustif. » Le différentiel s’explique peut-être par le comptage ou non des brasseurs de Loire-Atlantique, aujourd’hui département des Pays-de-la-Loire, mais historiquement rattaché à la Bretagne. Ne relancerons pas le débat ici…
Qui sont ces brasseurs ? « Des barbus », pointe avec humour un caviste qui en croise à la pelle. Lui-même porte une barbe. « Des métalleux », constate Cécile Dutray. Des passionnés surtout. Parlez-leur houblon, ils transpirent la bière. Mais aussi des brasseurs engagés, bien souvent, en faveur de l’économie locale, de la vie associative, du commerce de proximité…
Dans la famille des brasseurs, nombreux sont ceux qui croient encore à la survie des bourgs. Établir sa brasserie en zone rurale, parfois avec son débit de boisson, puis commercer avec l’épicerie du coin… c’est un pied de nez au développement des zones commerciales. Elles, qui dévitalisent les centre-villes de communes moyennes, comme le démontre le journaliste Olivier Razemon dans son ouvrage Comment la france a tué ses villes.
« La désertification n’est pas une fatalité »
Un des dénominateurs commun chez ces brasseurs : l’engagement au sein la vie locale. A Gomené, village de 600 habitants, au coeur des Côtes-d’Armor, Cécile Dutray s’investit pour « revitaliser le bourg ». Au delà de son action avec l’association « Les enchanteurs », elle couve une petite idée. « J’aimerais présenter une liste aux élections municipales de 2020 avec des amis » explique-t-elle, « pour redonner de l’attrait à Gomené, en créant par exemple une filière bois, en rouvrant un bar etc. »
« La désertification n’est pas une fatalité », assure Yann Cormont. Ce sociologue de formation le démontre au sein de la coopérative « Le champ commun », née en 2010, à Augan, petite commune rurale en lisière de la Forêt de Brocéliande. Dans ce bar-épicerie-brasserie-auberge, lui se charge de la bière. Il produit environ 150 hectolitres par an. Avec 13 salariés et plus de 180 associés revendiqués, ce commerce de proximité et lieu de vie démontre « qu’on peut faire vivre les bourgs. » Même si Yann Cormont tient à rappeler que le village d’Augan, 1500 habitants, « avait déjà une dynamique » associative et commerciale. « Quand un village est mort ça ne marche pas ; pour animer le vivant il faut qu’il y ait encore du vivant ! »
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Source : France 3 Régions
Journaliste : Baptiste Mezerette
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