Urbaniste de formation et diplômé de Sciences Po Rennes, Vincent Tual est spécialisé dans le développement durable des territoires. Pendant 10 mois, il a étudié le rapport des jeunes Bretons avec les petits commerces. La conclusion ? Ils adorent le côté humain et local des commerçants et souhaiteraient que ces derniers utilisent davantage le numérique. Nous l’avons interviewé pour en savoir plus !
Pourquoi s’être intéressé au commerce de proximité ?
Dans le cadre de mes études à Sciences Po, j’ai été embauché par l’association Bretagne Prospective qui réfléchit au devenir de ma région. J’ai travaillé plusieurs mois sur la transition digitale des entreprises bretonnes afin de comprendre dans quelles mesures le numérique pouvait contribuer à rendre plus attractifs les commerces de nos centres-villes et centres-bourgs.
Que dit ton étude sur les jeunes et les commerces de proximité ?
Pour la majorité des jeunes que j’ai interrogé, le caractère proche et accessible du lieu est le facteur le plus influent sur la fréquentation d’un commerce de proximité. Le terme «proximité» et l’expression «s’y rendre à pied» ayant tous deux de fortes occurrences. Rien d’étonnant dans la mesure où un commerce de proximité doit, pour un usager, se situer à sa proximité (proximité du lieu de vie et du lieu de travail notamment).
Ensuite, les termes «conseil», «pratique», «qualité» sont également très fréquents et témoignent de l’attachement à la qualité du produit et/ou de la prestation. Aussi, comme en témoignent les termes «convivialité», «ambiance» et «contact», les jeunes Bretons semblent très attachés au fait de concilier l’acte de consommation au fait de «passer un bon moment».
Enfin, certains jeunes consomment en proximité par convictions personnelles. Les expressions «encourager la vie locale», «éviter les circuits industriels» et «réduire les circulations polluantes» apparaissent à plusieurs reprises. Toutes ces réponses prouvent une forte appétence des jeunes pour les commerces de proximité, qui sont de plus en plus intéressés par le «consommer local».
À quoi ressemble le commerce de proximité de demain selon les jeunes Bretons ?
Pour le savoir, j’ai demandé aux jeunes de me donner un mot qu’il associe souvent aux commerces de proximité. Leurs réponses montrent l’importance grandissante que les jeunes consommateurs accordent à l’environnement urbain de leur proximité. Les mots «Plaisir», «Authentique», «Chaleureux», «Calme» témoignent de leur envie de s’approprier les espaces de proximité et d’en faire des espaces d’usage et de partage.
Ce qui est particulièrement intéressant, c’est que les considérations d’ordre économique sont absentes. Les valeurs humaines et sociales sont beaucoup plus mentionnées. On observe aussi une réelle envie des jeunes consommateurs de voir leurs commerces et services de proximité s’engager en faveur d’une activité durable.
Enfin, pour 66% des jeunes interrogés, l’exposition numérique des commerces de proximité est insuffisante et ne leur permet pas concrètement d’accéder aux services proposés. Le commerce de proximité de demain semble donc se construire autour d’un quatuor Numérique / Rassembleur / Agréable / Durable.
Comment le numérique peut-il aider à rapprocher les jeunes des commerçants de proximité ?
Les jeunes sont de plus en plus intéressés par le «consommer local» mais il manque selon eux la possibilité effective de nouer un contact avec leurs commerçants. Or, de nombreuses solutions permettent aujourd’hui d’être visibles numériquement et de faire circuler l’information.
On peut évoquer les plates-formes de mutualisation qui permettent de diminuer les coûts fixes tout en apparaissant sur la toile. L’idée est moins de se lancer dans la création d’un site personnel et isolé qui sera peut-être perdu dans les fins fonds du web que de s’inscrire sur ces sites collectifs plus fréquentés et avec un coût moindre, où le succès d’un commerçant peut entrainer le succès des autres.
D’autre part, les jeunes utilisent énormément les réseaux sociaux (Facebook, Instagram, etc.) et l’importance des internautes et influenceurs est grandissante, avec les notes et avis par exemple. Dans la petite ville de Saint-Aubin-du-Cormier, la boutique de sport Celtico utilise beaucoup les réseaux sociaux pour relayer ses événements. Et cela marche !
Sans forcément investir sur un site, il existe donc pour les petites entreprises plusieurs possibilités d’être présents sur le numérique. Dans tous les cas, cette présence est cruciale, permet d’agir sur la dimension servicielle, relationnelle, l’image. Pour les commerçants, les enjeux d’informations et de formations sur le numérique apparaissent essentiels.
Que peuvent faire les collectivités pour aider les commerces et les centres-villes ?
Tout d’abord, les collectivités doivent offrir un contexte urbain attractif et favorable à l’activité des commerces. Un exemple récent : la mise en valeur de la Place du Martray dans le centre communal de Pontivy. La place a accueilli un « ciel de ballons » et du mobilier éphémère afin de créer une ambiance qui motive la fréquentation et rassemble les individus.
Il est important de développer une identité territoriale et de renforcer l’attachement des individus au lieu, avec une communication pertinente visant à « vendre » le territoire.
Des rassemblements peuvent aussi être organisés par les communes afin de sensibiliser leurs commerçants au numérique en présentant des solutions pertinentes pour les aider, comme l’opération « Mon Centre-ville connecté » à Lorient.
Les collectivités doivent davantage accompagner leurs commerçants et devenir des facilitateurs en sélectionnant des outils numériques adaptés aux besoins de leurs territoires.
Propos recueillis par Jonathan Chelet
En photo de couverture : Vincent Tual
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