Interview de Bernard Morvan, président de la Fédération nationale de l’habillement
Vous avez participé à la rédaction du rapport prospectif, dit Marcon, sur la revitalisation des centres-villes remis au gouvernement. Quelles sont les mesures qui vous paraissent importantes parmi celles proposées et celles annoncées ?
Le plan Action Coeur de Ville du gouvernement est d’une ampleur jamais vue. Même si les sénateurs, qui ont présenté une proposition de loi, estiment insuffisantes les mesures, c’est un chantier colossal qu’il faut lancer ! Outre la mobilisation de 5 milliards, pour 222 villes retenues à ce jour, le processus qui conduit à la contractualisation avec les financeurs, l’état, les régions et les départements doit être conditionné à la mise en place d’une gouvernance locale, véritable pilote et coordinatrice du plan sur chacun des territoires concernés. Un diagnostic partagé doit être réalisé et le plan stratégique validé avec l’ensemble des parties. C’est pour nous la mesure phare de ce rapport, sans laquelle l’objectif final risque de ne pas être atteint. Car l’espoir que ce plan insuffle oblige l’ensemble des acteurs à se parler.
Il y a urgence et la nouveauté est que cette fois, il n’y a pas d’opposition entre centre-ville et périphérie , même si dans certains cas un gel de la création de nouvelles surfaces commerciales pourra être décidé par le préfet sur proposition des élus. L’idée de microfoncières locales pour restructurer et moderniser des locaux professionnels dégradés est une mesure de ce rapport, pour une meilleure maîtrise des rez-de-chaussés et de modération des loyers. Le centre-ville a besoin d’une action d’ensemble.
Que pourraient faire les commerçants eux-mêmes ?
Les commerçants, et notamment les indépendants que je représente, doivent aller dans le sens de l’histoire. Elle s’écrira de toute façon. Il ne faudrait pas qu’ils laissent passer le train. Ils doivent comprendre que le monde change, et que les consommateurs ont changé leurs comportements d’achat. L’adaptation est nécessaire, avec des actions ciblées telle que l’amélioration des heures d’ouvertures des magasins. Il faut passer de 40 à 50 heures par semaine. Certes, cela représente un coût, car il est nécessaire d’augmenter le nombre d’heures salariées. Mais c’est aussi du pouvoir d’achat supplémentaire, donc de la consommation en plus. On peut y arriver en étudiant les pistes du multisalariat, des groupements d’employeurs et du temps partagé, ou en utilisant les dispositifs luttant contre le chômage longue durée. Il faut aussi être présent sur les réseaux sociaux et animer les communautés de clients. Une page Facebook, ce n’est pas si compliqué…
Le commerce indépendant, notamment dans l’habillement, n’est-il pas condamné face aux mastodontes comme H & M ou Zara ?
Le commerce indépendant n’est pas sur un déclin inexorable, même si en moins de dix ans, le marché national a rétréci de 15%. Il faut retrouver de la valeur. D’abord en réduisant la part des ventes en promotion, consommatrices de marge. Il faut redonner de la valeur, aussi, au produit lui-même. Le fabriqué en France, cela plaît. A Roubaix, on travaille sur la notion de mode durable, le consommateur est en attente de propositions fortes dans ce domaine.
Reste le problème de l’outil de production, qui ne peut plus produire que pour 5% des besoins. Il faut le reconstruire. Je ne crois pas qu’il y ait une crise des vocations à devenir chef d’entreprise dans le commerce, de nombreux jeunes sont porteurs de projets solides, parmi ceux-ci de nombreux diplômés sont tentés par l’indépendance et rejettent les grosses entreprises, nous de les accompagner, de les former au sein d’écoles de commerçants.
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Source : Les Echos
Journaliste : Philippe Bertrand
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