De plus en plus de jeunes diplômés n’hésitent plus à renoncer à une carrière toute tracée pour un métier manuel moins bien payé mais plus épanouissant.
Encore quelques coups de lime et l’épaisse planche à cuisiner en bois massif sera fin prête: dans son petit atelier parisien, Morgane Ricada ne regrette en rien son ancien emploi « superficiel » de chargée de communication.
Devenue ébéniste, la jeune femme aux lunettes marrons à écailles s’active, entourée de ses créations, pour honorer ses nombreuses commandes. Sur les étagères s’amoncellent pêle-mêle ustensiles de cuisine, plateaux et objets de décoration. Un décor bien différent de son ancien bureau quitté fin 2014.
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– Un travail devenu abstrait –
Ces reconversions parfois radicales font régulièrement la Une des magazines. De plus en plus de jeunes diplômés n’hésitent plus à renoncer à une carrière toute tracée pour un métier manuel moins bien payé mais plus épanouissant.
Selon une étude de l’Institut supérieur des métiers parue en 2013, 26% des nouveaux chefs d’entreprises artisanales étaient diplômés du supérieur en 2010, contre 15% en 2006.
« Les métiers sont devenus très spécialisés, la division du travail est de plus en plus poussée et beaucoup de gens ont l’impression qu’ils ne servent à rien », analyse Jean-Laurent Cassely, auteur d’un essai consacré au phénomène.
Dans « La révolte des premiers de la classe » paru en mai dernier, le journaliste dissèque les évolutions d’un monde du travail chahuté par « une transformation numérique très rapide de l’économie », où de « plus en plus de gens se retrouvent derrière un ordinateur à gérer des projets virtuels ».
Par contraste, dans les métiers de l’artisanat « on voit immédiatement ce qui sort de son travail ».
Dans un pays où rester dans la même entreprise toute sa carrière a longtemps été perçu comme une réussite, les mentalités évoluent. Ainsi, 85% des Français jugent qu’il est bon de changer de métier, selon un sondage Odoxa réalisé en juin.
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« De plus en plus, les consommateurs veulent (…) que les produits ou services qu’ils consomment aient une sorte de supplément d’âme. Dans une société de consommation un peu à bout de souffle que tout le monde à tendance à rejeter, ces nouveaux artisans ont cette capacité à capter ces attentes car c’est une population qui ressemble à sa clientèle », conclut l’auteur.
Source : AFP
Copyright Photo : AFP – IROZ GAIZKA