Les raisons de cette émulation ? Un programme « Mulhouse Grand Centre » lancé en 2011, et un « manager de commerces » engagé dans ce cadre, Frédéric Marquet, dont le but était de redynamiser tout le centre-ville, et d’attirer grandes enseignes comme commerces indépendants, comme il l’explique :
« Ma mission, c’est de redéfinir une stratégie globale et de faire partager les objectifs par les acteurs du milieu, accompagner les porteurs de projet et faire un travail de proximité, être disponible et accessible. »
D’où un programme de 36 millions d’euros d’investissement pour améliorer le cadre de vie, le commerce, le logement, l’accessibilité et les animations. Pour Nathalie Motte, adjointe au maire (LR) en charge du tourisme et de l’attractivité commerciale, « l’ambiance et l’environnement sont cruciaux » pour « qu’on ait envie d’y être actif ».
Dans le cadre du programme, la Ville multiplie les initiatives pour ramener les habitants au centre-ville, comme les « Jeudi oui », où les commerces prolongent leurs horaires d’ouverture, et une navette gratuite mise en place pour transporter les personnes les moins mobiles (et toutes celles qui le souhaitent) d’une rue à l’autre du centre.
« Depuis 2011, 438 commerces ont ouvert, on est à une moyenne de deux ouvertures pour une fermeture, et on est passé de plus d’une centaine de locaux vacants à une soixantaine. Les trois quarts des ouvertures sont le fait d’indépendants, mais on a aussi des grandes enseignes comme la boutique espagnole de décoration Muy Mucho, qui a choisi Mulhouse pour sa première implantation française, ou le retour de Bagelstein qui avait fermé il y a quelques années ».
L’ère des « concept stores » ou le retour des jeunes
En attendant, ce sont les jeunes entrepreneurs locaux qui tirent leur épingle du jeu, comme Tilvist, le « Coff’tea shop » autoproclamé qui a fait son apparition en septembre 2016, reprenant des locaux vacants depuis six ans, non loin de la Maison Engelmann, au 23 rue de la Moselle. Sa créatrice, Séverine Liebold, est une ancienne de la grande distribution, qui voulait lancer un projet « plus proche de l’humain » après avoir fait un petit tour du monde, et s’est retrouvée dans la dynamique mulhousienne actuelle :
« On m’avait dit « Ne reviens pas sur Mulhouse, cela ne marchera pas », alors j’ai étudié un peu la dynamique d’autres villes comme Colmar. Mais j’en suis revenue convaincue que je n’avais rien à y faire. Cela a beaucoup bougé à Mulhouse-centre et ça bouge encore. Mon café, c’est quelque chose de conceptuel comme on fait aujourd’hui, c’est autant un « shop » qu’un coffee shop. Aujourd’hui dans les commerces on « mixe », on démultiplie les sources de revenus, j’ai vu cela dans le monde entier. C’est une valeur ajoutée considérable. L’idée est que les gens puissent venir travailler, faire comme chez eux… Et j’ouvre le lieu à des ateliers autour du bien-être, des groupes d’écriture etc. »
Un petit tour dans le centre suffit pour constater que ces commerces multifonctions se multiplient. Toujours dans le même coin, rue de la Moselle, s’est installé Le Temps d’une pause, « concept store » dont la terrasse donne sur une fresque murale éphémère, à quelques mètres du Starbucks et de la rue du Sauvage.
Sa gérante, Delphine Drumez, est une ancienne infirmière qui voulait revenir à ses premiers amours, la décoration, tout en gardant une activité avec un aspect humain. Son pari semble réussi, et elle pense que Mulhouse avait besoin de ce nouvel élan :
« Je voulais que le café-concept store devienne un lieu de vie, et ça a cartonné ! Nous faisons des événements, des cours de tricot… On participe à animer la ville ! Depuis ces 4-5 dernières années, ce n’est plus la même Mulhouse, c’est une des seules villes où il y a autant d’indépendants que de grandes enseignes. Ces nouveaux concepts, cela ramène pas mal de jeunes ».
Pour que « Mulhouse n’ait plus à rougir face aux grandes villes »
Delphine Duprez raconte que les commerçants entre eux participent à l’émulation :
« Il y a tous les mois une réunion des commerçants pour faire le point, il y a aussi des associations comme Les Vitrines de Mulhouse et Cœur de Mulhouse ».
Même son de cloche du côté de David Brès, gérant de Canal BD Tribulles, une librairie spécialisée dans les BD qui a déménagé du Passage du Théâtre à la rue des Tanneurs, et ajouté un salon de thé à sa panoplie, Le Boudoir de Léa :
« La Ville nous a aidé pour retaper la façade, il y a un nouveau dynamisme, c’est indéniable. Et le manager des commerces travaille pour que Mulhouse n’ait plus à rougir face aux grandes villes. Nous les commerces, on a envie de faire partie du train ».
C’était bien l’objectif, améliorer l’image d’une ville qui avait tendance à se paupériser. Nathalie Motte est adjointe en charge des commerces et se réjouit d’une image rafraîchie :
« Nous entendons des anciens Mulhousiens, des Strasbourgeois, des gens venus d’ailleurs en France, qui avaient une image plutôt grise de la ville, qui sont surpris, qui découvrent un centre-ville plus vert, plus neuf ».
Source : Rue 89 Strasbourg
Journaliste : Déborah Liss
Copyright Photo : Photo DL/Rue 89 Strasbourg/cc